Le Chateau de Morsains

Le Chateau de Morsains
Le Chateau de Morsains

mercredi 19 octobre 2016

Histoire du Chateau de Morsains (MORCINS)



LE CHATEAU DE MORCINS
(CANTON DE MONTMIRAIL)

Le 1er décembre dernier, le Courrier de Sézanne, à l'occa-
sion de la mort de M. Numance Devaux, appelait l'attention
de ses lecteurs sur le château de Morcins qu'il habitait et où,
quoiqu'isolé volontaire, il se faisait de rares connaissances,
qu'il avait conservées, dans sa verte vieillesse.

Le château de Morcins, d'après l'article du Courrier, aurait
appartenu à la famille des comtes de Champagne et Brie,
notamment à Thibaut dit le Chansonnier, et aurait été visité
par Jeanne d'Arc, la sainte et patriotique pucelle d'Orléans.



Il serait très intéressant de justifier ces deux faits par des
documents certains ; car, sans nier l'importance de la terre
de Morcins et la grande illustration des seigneurs qui l'ont
possédée pendant trois siècles sous le nom de comtes de Cham-
pagne, il nous est, sinon impossible, au moins difficile d'ad-'
mettre que Morcins ait été témoin soit d'un tournoi de Thi-
baut, soit d'une visite de Jeanne d'Arc. Ce doute mérite quel-
ques éclaircissements.

D'où provient le nom de Morcins que l'on écrivait en latin
Morcini et qu'il ne faut pas confondre avec Morçains, nom
d'une commune du département de l'Aisne ? L'étymologie la
plus vraisemblable me parait être celle-ci : demeure ceinte
d'une clôture de murs, haies ou fossés, de Morari demeurer,
demeure, en langage roman demore, et cingere, cinctus-ce qui
impliquerait l'idée non d'une forteresse ou même de ce que
l'on considérait au moyen-âge comme château, coustructiou
avec larges fossés, tours et donjon, — mais un simple logis,
fermé, hôtel de fief à l'abri de surprises, tel qu'est représenté
celui de Garlande, dans la notice d'Aubriot, sur la commune
de Gault. Le château, même actuel, qui n'est évidemment pas
le premier, mais une reconstruction sur un nouveau plan, du
xv° ou plutôt du xvie siècle, conçu dans des proportions très
restreintes, ne donne aucune idée d'une habitation destinée à
recevoir une cour piincière nombreuse et opulente, surtout si
l'on fait abstraction du bâtiment neuf, élevé au XVIIIe siècle, à
l'entrée de la cour, par Etienne Guérard. Si le vieux manoir


reconstruit au XVlO siècle avait eu, au moyen-âge, de larges
fossés, des épaisses murailles, un donjon et des tours, com-
ment n'en resterait-il rien et comment les localités qui l'en-
tourent, Tréfols, le Gault, Champguyon, auraient-elles eu une
population supérieure à celle de Morcins? Originairement, son
domaine était si restreint, que Leuse appartenait à la famille
de Beaurepaire et les Hautes relevaient de la seigneurie d'Aul-
noy, aujourd'hui Courchamp, et de celle de Rieux en partie;
observons en outre que ce ne fut pas Morcins, mais Tréfols,
station intermédiaire sur la route de La Fer té-Gaucher à
Sézanne, qui devint au moyen-âge une petite ville ou bour-
gade, ayant deux églises, son couvent de Récolets, sa com-
manderie de Malte, son fort de Droquenelle, sa tour à signaux
de Villeperdue et son hôtel prévotal fortifié de Doucigny,
siège d'une justice royale, ce qui n'eût pas été si, sous les
comtes de Champagne, Morcins avait été une habitation prin-
cière de ces comtes. Enfin l'église paroissiale de Morcins,
sous le vocable de Saint-Denis, avait pour présentateur l'abbé
de Saint-Jacques de Provins, lequel percevait la dime pour un
tiers, conjointement avec le curé-prieur de Morcins et le cha-
pitre de Sézanne aussi, chacun pour un tiers.

La confusion qui s'est produite entre la famille souveraine
des comtes de Champagne, disparue en 1284, par le mariage
de Jeanne de Navarre avec Philippe Le Bel, roi de France,

qui fit entrer les comtés de Champagne et de Brie dans le
domaine de la Couronne et la famille d'Arnay, Brandilis,
barons du Maine, comtes de Champagne, seigneurs de Mor-
cins, semble facile à concevoir.

Le Nobiliaire de Saint-Allais donne une généalogie très
détaillée de la famille des sires d'Arnay, issus, paraît-il, des
anciens comtes du Maine, dont une branche avait deux
domaines, celui de Pàrcé et celui de Champagne, sur les con-
fins du Maine et de l'Anjou — cette branche de Champagne
Parcé vint habiter la Brie et y posséda de nombreuses proprié-
tés, notamment la terre de Morcins, près Montmirail.

Ce fut Jean de Champagne, seigneur de Longvoisin, Ven-
deuil et Saint-Bon, cinquième fils de Pierre, 1er sire de Cham-
pagne, prince de Monterio et d'Aquila, iur baron du Maine, et
de Marie de Laval, qui fut l'auteur de la première dynastie
des Champagne-Morcins, il serait devenu possesseur de cette
terre par son mariage avec Marguerite de Véelu, héritière vers
1;)13 de son oncle Jean de Véelu, doyen des chanoines de la
collégiale de Saint-Etienne de Troyes.


La seconde dynastie, issue de la même famille, commence
à Nicolas de Champagne, marié en 1546 à Louise de Verdelot,
lequel périt en 1562 à la bataille de Dreux. Son fils aîné, Oli-
vier de Champagne, n'avait alors que 7 ans ; il suivit, comme
son père, la carrière des armes ; il sut se faire aimer et appré-
cier de Henri IV, qui lui écrivit plusieurs lettres et lui confia
le gouvernement de Meaux ; cette branche s'est éteinte en 1812
par la mort de la comtesse de la Briffe, fille de Charles-Ferdi-
nand, dit le Marquis de Champagne.

Depuis assez longtemps déjà, Morcins n'était plus à cette
famille d'Arnay de Champagne, qui s'est toujours distinguée
et a versé son sang pour la patrie sur maints champs de
bataille, sous Henri IV, Louis XV et Louis XVI. Henri de
Champagne-Morcins, brigadier des armées du Roi, étant mort
en 1758 sans avoir d'enfants de Madelaine Macquart, sa femme,
la terre de Morcins avait été vendue par ses héritiers à Etienne
Guérard, qui avait acquis à Troyes, dans les finances, une
très belle fortune ; aussi son fils eut à Morcins un grand état
de maison : il y recevait la noblesse des environs, y avait
table ouverte et pour cela y fit construire le bâtiment neuf.

Il mourut à Morcins en 1798, laissant un fils et deux filles.

L'aînée des filles épousa le fils du président de l'Election de
Sézanne, nommé Devaux. Ce fut lui qui eut la terre de Mor-
cins, bien amoindrie par suite de la Révolution et du partage
sucessoral, ce qui lui fit accepter sous la Restauration la
place de juge de paix à Montmirail, qu'il remplit avec autant
de zèle que de délicatesse. — La seconde fille fut mariée à un
M. d'Autroche. Quant au fils Léonard Guerrard, marié à une
demoiselle Legras de Vaubercey, femme d'un mérite distingué,
il se créa une situation dans les finances et racheta le domaine
de Leuse où il finit ses jours, domaine qui appartient aujour-
d'hui à la famille Collier de la Marlière..

Venons maintenant à la visite de Jeanne d'Arc à Morcius;
elle a.pu avoir lieu ; j'ai dit néanmoins qu'il m'était bien diffi-
cile de l'admettre, voici pourquoi :
Charles VII avait été sacré à Reims le 17 juillet 1429; peu
après il voulut reprendre l'œuvre si patriotique et si glorieuse
d'affranchir la France de la domination anglaise et pour cela
regagner les bords de la Seine. Le dimanche f'' août il était à
Château-Thierry avec Jeanne d'Arc, La Hire et un corps d'ar-
mée ; il coucha le lundi à Montmirail, reçu avec empressement
par Robert III de Sarrebruche, de la famille de Jean IV de Sar-

rebruche, évêque de Châlons, qui déjà l'avait accueilli, avant
le sacre, dans sa ville épiscopale. Charles VII, la Pucelle, La
Hire et le corps d'armée repartirent le lendemain mardi de
Montmirail, pour se rendre à Provins où ils arrivèrent le
même jour. Ils durent prendre le chemin le plus direct qui
passait à Rieux, Montbout, le Veziers, Réveillon, Montceaux-
les-Provins, Villiers-Saint-Georges et Provins ; chemin qui fut
assurément celui suivi lors des foires de Provins, car il portait
à diverses places de son parcours les dénominations, aujour-
d'hui encore conservées, de chemin de Provins, haie de Pro-
vins, contrée de la haie de Provins ; Charles VII n'a pas dû
s'en écarter pour faire une visite à Morcins, d'autant que la
famille des Arnay de Champagne n'y résidait pas encore,
Jean de Champagne, auteur de la première branche des Cham-
pagne- Morcius, mari de Marguerite de Véelu, n'y paraissant
que vers 1500, plus d'un demi-siècle après le sacre de Char-
les VII.

Baron CARRA DE VAUX.

Source Gallica

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